Numérisation dans le canton de Genève - nos sept questions à Serge Dal Busco, Conseiller d'Etat, département des infrastructures

Kantonswappen Genf vor gelbem Umriss der Schweiz

Depuis la Conférence nationale Suisse numérique de début septembre 2019, nous présentons régulièrement au moyen d’un court entretien les particularismes, les progrès et les défis d'une administration cantonale en matière de numérique. Aujourd'hui: le canton de Genève.

Notre interlocuteur: Serge Dal Busco, Conseiller d'Etat chargé du département des infrastructures.

1. Le canton de Genève a publié en 2018 le rapport “Une politique numérique pour Genève”. Quelle a été l’impulsion pour l’élaboration d’un telle stratégie et à quels besoins répond-t-elle?

[Serge Dal Busco] : Le numérique transforme la façon dont nous vivons et dont les organisations, privées ou publiques, opèrent. Il s’agit d’un changement de paradigme qui se déploie à une vitesse exponentielle. Cette révolution nécessite une réponse globale, concertée et cohérente. Je tiens ici à souligner que le numérique dépasse la sphère technologique pour impacter l’organisationnel et le politique.

Face aux attentes élevées et légitimes de la population, le canton a décidé de se positionner comme un acteur fédérateur plutôt que de subir la transition numérique. Comme une certitude, sa politique numérique doit permettre non seulement de répondre aux enjeux sociétaux tout en maintenant un service public de qualité, mais aussi et surtout d'améliorer encore les prestations qu'il délivre et sa performance globale.

D’un point de vue plus administratif, le Conseil d’Etat avait annoncé dans sa stratégie des systèmes d’information et de communication de l’administration cantonale, adoptée en mai 2016, son intention de définir une politique numérique. Deux ans plus tard et suite à une démarche de co-création, c’est chose faite !

2. Quelles ont été des sources d’inspiration pour cette stratégie - d’autres cantons, villes, pays? La stratégie nationale?

[Serge Dal Busco] : L’Etat de Genève n’étant pas le premier Etat à définir sa politique face à la transition numérique, nous avons naturellement pu bénéficier des expériences d’autres collectivités publiques, nationales ou locales. Il s’agissait aussi, pour nous, d’être en cohérence avec les démarches nationales telles que la stratégie Suisse numérique.

Les approches inclusives et prenant une perspective politique large ont particulièrement retenu notre attention, notamment en Allemagne, Australie, Danemark, France et Suède. Il s’agit d’évoquer également les travaux du gouvernement français dans l’élaboration de sa Loi pour une République numérique, une inspiration pour la consultation publique que le Conseil d’Etat a mené sur son projet de politique numérique.

3. Quels acteurs ont été impliqués dans le processus de formulation de la stratégie numérique cantonale?

[Serge Dal Busco] : L'approche retenue ayant été celle de la co-création, le processus de formulation de la stratégie numérique cantonale a impliqué aussi bien des collaborateurs et cadres de l’administration cantonale et du secteur public genevois, des représentants du secteur académique que la population dans une démarche de consultation publique. Il s’agit ici de relever particulièrement l’engagement de la HES SO Genève et l’Université de Genève dans notre démarche. En ce qui concerne la consultation publique, il nous tenait à cœur d’assurer la cohérence entre le sujet, numérique, et la démarche retenue. Expérimenter la consultation, c’est faire preuve d’agilité, d’ouverture et de co-création.

Concrètement, le canton de Genève a élaboré sa politique numérique en 6 étapes, de façon décloisonnée, participative et co-créative. Il s'agit d'une démarche pionnière et, à notre connaissance, innovante en Suisse dans la démarche d’associer la population largement par une consultation publique en ligne et en présentiel. Après avoir constitué un dispositif d'élaboration de la politique numérique de l'Etat, ce dernier a recensé les initiatives phares existantes en matière de numérique dans le secteur public genevois avant d’identifier les enjeux et défis avec l'aide du secteur académique genevois. Cette démarche a donné lieu à 20 propositions soumises à une consultation publique. Au total, plus de 3'000 votes relatifs à ces propositions ont été enregistrés ainsi que près de 800 contributions sous la forme de propositions ou d’arguments. L'ensemble de la démarche a ainsi donné lieu au rapport intitulé "Une politique numérique pour Genève", adopté par le Conseil d'Etat genevois en juin 2018.

4. Certains cantons ont choisi un cadre de référence assez large pour leur stratégie, par exemple l’impact du numérique sur la société. D'autres se concentrent par exemple plus étroitement sur la cyberadministration. Quel est le cadre de référence de votre stratégie - et pourquoi ce choix?

[Serge Dal Busco] : Le canton de Genève a opté pour un cadre de référence large car le numérique touche toutes et tous, sans exception. Il porte aussi bien sur les grands enjeux pour Genève que la prise en compte de considérations d'ordre éthique et sociétal, économique ou social. A titre d’exemple, je vais vous en citer trois : l’émergence de nouveaux métiers et modèles d’affaires, la participation citoyenne et l’usage de la donnée. Notre politique vise à apporter une réponse et une méthode pour nous permettre de relever le défi numérique de façon exemplaire. Très concrètement, elle repose sur les 5 axes suivants : faciliter, former, protéger, promouvoir et réguler. Ces 5 axes comportent chacun 3 objectifs à atteindre, soit 15 objectifs au total. A titre d'exemple, il s'agit tout aussi bien de renforcer la participation citoyenne grâce au numérique que de développer une culture numérique, de lutter contre la cybercriminalité, de développer de nouvelles e-démarches (à ce jour, on en dénombre 90), de positionner Genève comme un acteur majeur de la gouvernance numérique que de faire évoluer les bases légales en les adaptant au numérique.

5. Quel projet en cours dans le canton illustre à votre avis particulièrement bien l’esprit de votre stratégie?

[Serge Dal Busco] : L’ensemble de nos politiques publiques sont concernées par la politique numérique de l’Etat. Plutôt que des projets concrets, je vais vous évoquer deux chantiers sur lesquels l’Etat est engagé. Celui de la cyberadministration d’abord, qui vise à rendre accessible à la population des démarches dématérialisées conviviales. Celui de l’école numérique ensuite, qui vise à former nos enfants tant au numérique qu’avec le numérique.

6. Quels types de défis rencontrez-vous dans le cadre de la mise en oeuvre de cette stratégie?

[Serge Dal Busco] : Les défis sont multiples et surtout évolutifs ! Il s'agit tout d'abord de veiller à la cohérence d'ensemble de la politique numérique à l’échelle du secteur public genevois. Globalement, tous les secteurs sont confrontés à la déferlante numérique et exposés aux mêmes défis, comme celui de la dématérialisation, les risques générés par la numérisation croissante (protection des données) ou encore l'instantanéité et l'immédiateté de l'information qui requièrent des dispositifs de réponse très rapides. Afin d'être efficace et performant, le canton de Genève a le souci d'harmoniser les réponses à ces défis. Mais harmoniser est en soi un défi et il s'agit de dépasser les clivages traditionnels (politiques, secteur public – secteur privé, etc.) en plaçant l'usager et l'humain au centre du dispositif et de la réflexion. En d'autres termes, l'administration doit elle-même s'adapter, se réinventer pour devenir agile et pourquoi pas conviviale grâce au numérique ! Le rapport « une politique numérique pour Genève » comprend d’ailleurs cinq principes qui doivent guider sa mise en œuvre, correspondant aux façons de faire du numérique. Il s’agit d’une approche centrée usagers, d’une confiance indispensable à l’ère numérique, de la protection et de la valorisation des données, de l’éthique pour dessiner un monde meilleur avec l’humain au centre, et enfin de l’agilité, l’ouverture et l’innovation permettant l’efficience.

7. Y aurait-il des formats ou des espaces d'échange avec d'autres cantons ou d'autres pays que vous souhaiteriez voir se développer ou mettre en place afin de mieux profiter des expériences des uns et des autres en matière de transformation numérique? Si oui lesquels?

[Serge Dal Busco] : Au-delà de la mise en place, initiée par les cantons de Vaud et de Genève, d'une Conférence latine du numérique, la transformation numérique nécessite et nécessitera de nouvelles formes de collaboration, beaucoup plus transverses, multisectorielles et multidisciplinaire, dans la logique des principes évoqués à la question précédente. On peut penser à des espaces de co-construction réunissant des acteurs issus de différents secteurs, à des forums régionaux mais aussi à des forums virtuels à l'instar des téléconférences où chaque acteur reste confortablement installé devant sa tablette ou son ordinateur tout en pouvant échanger avec des partenaires aux 4 coins du monde. La technologie du numérique apporte elle-même son lot de nouveautés qu'il s'agit précisément d'utiliser pour inventer de nouveaux modes de collaboration, innovants par essence.

Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions et vous souhaitons plein succès dans le développement numérique du canton.

La stratégie des systèmes d’information et de communication de l’administration cantonale est disponible sur le site du Département des infrastructures.

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