Meet the founders: Nicola Forster

Selfie Nicola Forster Bahnhof

Nicola, pourquoi le staatslabor ? 

Je trouve absurde que les Suisses soient fiers d’être les champions du monde de l’innovation - et qu’ils n’entendent par là que les innovations technologiques. Les progrès sociaux et politiques restent toujours dans l’ombre. Nous souhaitons de toute urgence changer cela et c’est pourquoi nous avons décidé de fonder le staatslabor! Nous voulons rendre accessibles au secteur public de nouvelles méthodes et de nouvelles technologies, en mettant en relation les différents acteurs concernés. Les têtes pensantes de l’administration et de la politique, les mordus de technologies et les créateurs de start-ups ainsi que les acteurs de la société civile bénéficient grâce au staatslabor d’une plateforme dynamique, leur permettant d’apprendre les uns des autres et d’échanger pour finalement bâtir ensemble un écosystème dédié à l’innovation dans le secteur public. 

Quelles sont pour toi les plus gros enjeux auxquels l’administration devra faire face dans les 10 ans à venir ? 

Les changements techniques vont être considérables, ce qui va transformer notre société de façon fondamentale. Certaines des plus grandes entreprises d'aujourd'hui n’étaient que de petites start-ups il y a encore dix ans. La numérisation déplace les centres de pouvoir à une vitesse folle, passant des grandes institutions classiques à des réseaux décentralisés qui collaborent de façon innovante. Il n’y a aucune raison de penser que l’administration sera épargnée par cette transformation. Afin de continuer à offrir des services utiles aux citoyens, il faut que l’administration accompagne ces changements. Il faut pour cela connaître les technologies et méthodes les plus récentes. Auparavant, on mettait en place des groupes d’experts, qui mettaient en place un «plan» pendant plusieurs mois, et on l’appliquait ensuite. Mais aujourd’hui, la boîte à outils des services publics peut être complétée grâce à de nouveaux instruments : par exemple, rendre possible le design thinking, impliquer les citoyens engagés dans le travail de l’État, ou encore tester des solutions plus proches du citoyen, qui fonctionneront ensuite vraiment lors de leur mise en place. 

Quel projet public innovant de l’étranger devrait-on d’après toi importer en Suisse ? 

Il y a trois ans, j’ai eu l’occasion de travailler pour le ministère allemand des Affaires Étrangères sur le projet «Review 2014». C’est le président actuel, Frank-Walter Steinmeier, qui a initié ce projet, son but étant de superviser le travail du ministère à la fois sur le fond et sur la forme. Au cours de nombreux ateliers participatifs, nous avons réfléchi avec des citoyens engagés et des parties prenantes à de nouvelles idées concernant les défis que la diplomatie doit relever - sous la forme d’Open Situation Rooms, que nous avons créées pour l’occasion. Une adaptation au contexte suisse me ravirait!

Quelle a été ta meilleure expérience avec l’administration publique? Et la pire? 

J’ai fait une expérience impressionnante il y a quelques années, alors que j’avais besoin d’un nouveau passeport. Je pouvais prendre rendez-vous en ligne, j’y suis allé, j’ai trouvé le bon endroit en dix secondes et après quelques minutes, tout était réglé et j’étais ressorti du bureau. J’ai ensuite reçu mon passeport et ma nouvelle carte d’identité par la poste. Tout était super bien organisé et j’ai été très bien reçu. Wow! A cette époque, je vivais et travaillais dans différents pays comme l’Éthiopie, l’Allemagne et la Belgique, ce qui m’a permis de comparer et de me rendre compte que l’administration suisse propose des services vraiment exceptionnels. 
Ma pire expérience a été lors de mon Erasmus en France. Je voulais louer un appartement, et il me fallait pour cela un compte bancaire. Mais je ne pouvais l’ouvrir qu’en apportant une facture d’électricité provenant de mon dernier logement, ce que je ne possédais naturellement pas, n’ayant pas encore pu louer d’appartement. C’est un peu le serpent qui se mord la queue, et j’étais dépendant du bon vouloir de chaque personne, elles m’avaient entre leurs mains. C’était purement arbitraire. 

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au staatslabor? 

Je porte beaucoup de chapeaux et j’en perds parfois un peu le contrôle (rires). En tant que fondateur et président du foraus, le think tank de politique étrangère, j’ai eu la chance, au cours des dernières années, de mettre sur pied une start up. En ce moment, nous lançons des structures sœurs en Allemagne (polis 180), en France (Argo) ou encore en Grande-Bretagne. Je me trouve actuellement à New York pour fonder un think tank participatif et pour concevoir un projet réunissant les têtes pensantes de différents pays. À côté de cela, je suis partenaire chez crstl, où nous conseillons les fondations, les milieux économiques et politiques en matière d’innovations. Je fais également beaucoup de modération de d'événements et de workshops en Suisse et à l’étranger. 
 
Berne, Montpellier, New York ? 

J’ai vécu ces deux dernières années à Berne et j’en ai énormément profité: on y est très proche de la politique et de l’administration. On peut facilement se retrouver autour d’un café avec les acteurs concernés. Les points forts et innovants qui caractérisent la Suisse sont bien représentés à Berne. Mais en même temps, il me manque parfois à Berne le dynamisme et le regard tourné vers la scène internationale évidemment bien présent à New York. Les possibilités y sont infinies et l’environnement très inspirant. Cependant, l'aspect global que prennent tous ces projets avec ces nombreux protagonistes les rend vite très exigeants. Il me faudrait peut-être un mélange entre Berne et New York. Par exemple Berlin, avec son atmosphère de grande ville et sa place dans le monde mais toujours en même temps avec ses coins sympas et ses bars conviviaux. Depuis que j’y ai habité, Berlin est en quelque sorte devenue ma résidence de cœur...

Que vois-tu lorsque te lèves et regardes par la fenêtre?

Cela dépend vraiment d'où je me lève (rires). C'est presque un peu un cliché: à Zurich, je suis entouré de verdure et les oiseaux gazouillent. À New York, je vis à Brooklyn et peux y apprécier une vie animée et urbaine. Les deux me plaisent!